Catégorie – Anne

  • Rencontres d'ailleurs et amitiés d'ici (2) / 03.03.2019

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  • Anne - Guide en Route
  • Les cours, les repas et les sorties sont à présents ancrés dans mon quotidien. Entre apprentissage succinct et laborieux du Dari, ainsi que l'expérience de la gay pride, voici la suite de ces touchantes rencontres.

    11 avril 2016, Ma première séance de Dari

    Les cours se succédaient ainsi semaines après semaines, et étaient souvent prolongées par un verre entre quelques personnes, restant aider à nettoyer la salle, ou bavarder. On parle beaucoup lors de ces verres, des études, du pourquoi de leur arrivée en Suisse, de nos cultures et de la langue afghane : le dari. Si on commençait gentiment à se connaître, la langue restait une barrière pour exprimer certaines choses. Apprendre des mots en dari a donc été pour moi un autre moyen de découvrir cette culture, avec ses personnalités bien diverses. Entre des « Khoodor Hafiz » (au revoir), « tashakoor » (merci), «Shab Bakhair » (bonne nuit »), ou « Khoosh amadi » (bienvenue), on avait créé un troisième langage : celui de la fraternisation.

    Juin 2016, des soirées universitaires à la gay pride : une période mémorable

    Cette période marque le début d’amitiés, de sorties entre amis et de découvertes. On se retrouvait tous à des fêtes universitaires, où la musique afghane côtoyait de traditionnelles  chansons indoues, arabes, iraniennes, ou françaises (un de nos élèves connaissait par cœur les grands tubes de Joe Dassin !). C’est aussi à cette période que des discussions plus intimes se sont développées. On mentionne les différences de cultures, les points communs aussi. Le thème de la religion et particulièrement la religion musulmane est aussi évoquée, mais si la majorité des Afghans sont musulmans, leur vécu de la religion est parfois bien différent. Un de nos Afghans (c’est comme cela qu’on les appelle), disait avoir critiqué la religion dans son pays et depuis longtemps mis de côté ses croyances, un autre expliquait ses différentes manières de pratiquer en Suisse et en Afghanistan, alors qu’un troisième racontait l’importance de la religion dans la vie de tous les jours, et dans l’élaboration de ses valeurs. En soi, on discutait avec des gens d’autres cultures mais toujours autant divers et uniques que le reste du monde.

    Je me souviens bien de cette soirée du 27 juin durant laquelle, après avoir soupé ensemble, nous décidons de faire un tour aux concerts et animations de la gay pride. J’y suis allée une fois, une fille de notre groupe également, mais c’est tout. On leur explique clairement de quoi il s’agit et ils sont partant pour venir avec nous. On se demande tout de même s’ils ont conscience de sur quoi ils vont tomber, les premières réactions ne tardent d’ailleurs pas à arriver. Dans cette atmosphère qui leur est inconnue, et à une bonne partie de notre groupe également, les grands yeux et la curiosité se font ressentir. Si tout le monde n’est pas tout de suite à l’aise avec les habillements, les danses et les accolades, cette soirée s’est clôturée par des discussions, des rires et une ambiance détendue : le petit malaise du début s’étant dissipé lorsque deux de nos Afghans se sont tenus la main en imitant un couple ! J’ai beaucoup aimé ce moment car il reflète une nouvelle fois la base de nos rencontres : emplies de curiosité et de non-jugement.

    Suite et fin au prochain épisode…

  • Rencontres d’ailleurs et amitiés d’ici / 06.01.2019

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  • Anne - Guide en Route
  • En 2016, je me rends par curiosité à un souper afghan organisé par l'aumônerie de l'université : c'est la rencontre de personnes extraordinaires qui me restera en mémoire.

    Mars 2016, Mon premier souper afghan

    Sortant d’un cours un soir du mois de mars vers 17h, je décide de participer pour la première fois à un souper afghan organisé par l’aumônerie. Il fait bon, les gens sont nombreux à être venus aider en cuisine, et à servir en terrasse. Sans réellement avoir de motivations précises à ce moment-là, je lance un coup d’œil furtif autour de moi, et suis instantanément propulsée dans un brassage de langues, de cultures, de générations et de personnalités diverses. C’est d’abord une rencontre entre étudiants qui s’est faite spontanément, pour la plupart poussés par la curiosité de découvertes de saveurs et machinalement arrivés au souper après un cours ou une discussion. Puis, trois personnes s’approchent de notre petit groupe fraîchement formé, trois hommes qui nous demandent s’il serait possible de créer un cours de français, car ils ont l’impression de ne pas apprendre assez vite. Nous échangeons quelques mots maladroits et hésitants en essayant chacun de trouver le bon terme sans vraiment savoir si la personne en face l’a bien compris ou non. Si la cuisine afghane m’a comblée lors de ce souper, c’est surtout la tête pleine de nouveautés et d’éclats de rire que je rentrais chez moi, en attendant une seule chose : de recommencer !

     

    Avril 2016, Cours de français improvisés et apéros : le Moscato est à l’honneur !

    Notre petit groupe d’étudiants motivés à donner des cours bénévolement compte environ six personnes et s’arrange tant bien que mal à enseigner la grammaire française et à imaginer des exercices tenant la route. A notre premier cours (comme aux suivants) une vingtaine de personnes, tous des afghans et tous des hommes dont beaucoup de visages entrevus au premier souper. Comment je vais pouvoir tenir un cours avec mon mètre cinquante et ma petite voix de souris ? Est-ce qu’ils vont m’écouter ? Rigoler ? En effet, le rire était bien à l’honneur mais ce n’a jamais été que la transposition d’un enthousiasme commun, m’envoûtant dès la première fois où j’ai énoncé la déclinaison des verbes du premier groupe. Ces premiers moments de rencontre n’avaient pas encore la forme de grandes discussions philosophiques, mais étaient entremêlés de sérieux, de rires et d’apéros qu’on organisait à la fin de chaque cours. En sachant que la plupart des Afghans présents étaient musulmans et ne buvaient pas d’alcool, nous mélangions jus de fruits, boissons gazeuses et petits salés, tout en s’octroyant une petite bouteille de moscato que nous dégustions entre profs. Jusqu’au jour où nous sommes arrivés dans la salle de cours où trônaient déjà les jus de fruits, boissons gazeuses et petits salés, accompagnés bien sûr de notre chère bouteille de moscato ! Ca été je pense le premier moment véritablement émouvant, où sans avoir besoin de discuter profondément, les petits gestes de chacun envers les autres ont contribué à former une équipe soudée, et surtout des amitiés. Des cadeaux ils nous en font d’ailleurs souvent, des verres, des petites attentions ou encore ce déjeuner organisé chez une des profs où l’on a découvert leur plaisir du matin : des tartines à la crème double de la gruyère ! Pour beaucoup de nos élèves et amis, partager est le maître – mot. Si on leur donne des cours de français, eux se sentent non pas obligés mais très heureux de nous offrir quelque chose en retour. Ce partage continu qui s’est développé au fil des mois est un élément essentiel de ces rencontres : il a permis de nous pousser chacun à se mettre à la place de l’autre, et donc à entretenir des amitiés.

     

    Suite au prochain numéro