06.01.2019

Rencontres d’ailleurs et amitiés d’ici

Mars 2016, Mon premier souper afghan

Sortant d’un cours un soir du mois de mars vers 17h, je décide de participer pour la première fois à un souper afghan organisé par l’aumônerie. Il fait bon, les gens sont nombreux à être venus aider en cuisine, et à servir en terrasse. Sans réellement avoir de motivations précises à ce moment-là, je lance un coup d’œil furtif autour de moi, et suis instantanément propulsée dans un brassage de langues, de cultures, de générations et de personnalités diverses. C’est d’abord une rencontre entre étudiants qui s’est faite spontanément, pour la plupart poussés par la curiosité de découvertes de saveurs et machinalement arrivés au souper après un cours ou une discussion. Puis, trois personnes s’approchent de notre petit groupe fraîchement formé, trois hommes qui nous demandent s’il serait possible de créer un cours de français, car ils ont l’impression de ne pas apprendre assez vite. Nous échangeons quelques mots maladroits et hésitants en essayant chacun de trouver le bon terme sans vraiment savoir si la personne en face l’a bien compris ou non. Si la cuisine afghane m’a comblée lors de ce souper, c’est surtout la tête pleine de nouveautés et d’éclats de rire que je rentrais chez moi, en attendant une seule chose : de recommencer !

 

Avril 2016, Cours de français improvisés et apéros : le Moscato est à l’honneur !

Notre petit groupe d’étudiants motivés à donner des cours bénévolement compte environ six personnes et s’arrange tant bien que mal à enseigner la grammaire française et à imaginer des exercices tenant la route. A notre premier cours (comme aux suivants) une vingtaine de personnes, tous des afghans et tous des hommes dont beaucoup de visages entrevus au premier souper. Comment je vais pouvoir tenir un cours avec mon mètre cinquante et ma petite voix de souris ? Est-ce qu’ils vont m’écouter ? Rigoler ? En effet, le rire était bien à l’honneur mais ce n’a jamais été que la transposition d’un enthousiasme commun, m’envoûtant dès la première fois où j’ai énoncé la déclinaison des verbes du premier groupe. Ces premiers moments de rencontre n’avaient pas encore la forme de grandes discussions philosophiques, mais étaient entremêlés de sérieux, de rires et d’apéros qu’on organisait à la fin de chaque cours. En sachant que la plupart des Afghans présents étaient musulmans et ne buvaient pas d’alcool, nous mélangions jus de fruits, boissons gazeuses et petits salés, tout en s’octroyant une petite bouteille de moscato que nous dégustions entre profs. Jusqu’au jour où nous sommes arrivés dans la salle de cours où trônaient déjà les jus de fruits, boissons gazeuses et petits salés, accompagnés bien sûr de notre chère bouteille de moscato ! Ca été je pense le premier moment véritablement émouvant, où sans avoir besoin de discuter profondément, les petits gestes de chacun envers les autres ont contribué à former une équipe soudée, et surtout des amitiés. Des cadeaux ils nous en font d’ailleurs souvent, des verres, des petites attentions ou encore ce déjeuner organisé chez une des profs où l’on a découvert leur plaisir du matin : des tartines à la crème double de la gruyère ! Pour beaucoup de nos élèves et amis, partager est le maître – mot. Si on leur donne des cours de français, eux se sentent non pas obligés mais très heureux de nous offrir quelque chose en retour. Ce partage continu qui s’est développé au fil des mois est un élément essentiel de ces rencontres : il a permis de nous pousser chacun à se mettre à la place de l’autre, et donc à entretenir des amitiés.

 

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