Comment interroger la diversité ? Entretien avec Sandrine Ruiz / 05.05.2021
+« On est parti de l’idée de la diversité de la population musulmane au sein du CCML […] d’un questionnement à partir de la diversité pour donner un éclairage sur ce qu’il faudrait entendre quand on dit ‘les musulman·e·s’. Qui sont les musulman·e·s ? »
Le CCML, fréquenté par des personnes de divers âges, parcours migratoires et origines sociales, illustre cette diversité et invite les visiteurs et visiteuses de son offre « Dialogue en Route » à s’y plonger. À travers des activités ludiques et participatives, reflet de l’approche expérientielle promue par le projet, ainsi que le matériel pédagogique qui lui est associé, « Vous avez dit musulman·e ? » déconstruit la catégorie « musulman·e » en interrogeant les stéréotypes d’apparence, mais aussi les préconceptions sur la population musulmane de la Suisse. « [La visite] permet de découvrir un lieu nouveau, rajoute Sandrine Ruiz, de le découvrir à la fois par soi-même et en groupe, avec ses propres appréciations et d’être amené‧e à discuter de l’espace à travers cette découverte. »
Une approche réflexive qui contraste avec d’autres formats de visites qui ont pu avoir lieu : « Le centre recevait, avant covid, beaucoup de visites de gymnases, de la HEP, de classes en général. C’était des rencontres où les visiteurs et visiteuses posaient certes des questions, mais c’était quand même quelqu’un, l’imam par exemple, qui recevait le groupe et qui parlait. Alors que dans cette offre, c’est par une démarche participative des jeunes, en visite guidée par un‧e pair‧e, que les questionnements des jeunes trouveront réponse, et non par un enseignement reçu. La pédagogie de cette offre est attrayante. »
Si la déconstruction de la catégorie musulman·e est nécessaire, c’est que, déclare Sandrine Ruiz, « souvent on a une vision très monolithique de cette catégorie. Non seulement monolithique, mais avec pas mal de stéréotypes. » C’est là un des enjeux derrière l’offre proposée au CCML : « Il y a un grand besoin d’aller à l’encontre des préjugés qui existent au sein de la société concernant les musulman·e·s ; s’ajoutent aux préjugés de mauvaises compréhensions de l’islam qui conduisent parfois à de l’hostilité. »
La visite proposée par le CCML se dote ainsi, en plus de la transmission de connaissance, d’un rôle civique et social, s’affiliant de la sorte aux efforts des acteurs et actrices du dialogue interreligieux dont Sandrine Ruiz fait partie depuis de nombreuses années. Un engagement citoyen et pédagogique donc, qui se distingue clairement d’un enseignement catéchétique : « On n’est pas en train de toucher à la croyance, on informe le fait religieux d’un point de vue culturel, citoyen ou sociétal. La croyance est libre pour chacun·e. »
Ainsi, la visite du CCML — comme le projet « Dialogue en Route » — souscrit aux principes de neutralité et de non-apologétisme adoptés par l’école obligatoire. « L’école n’est pas un espace où parler de religion dans le sens de croyances, mais où parler de religion avec une certaine distanciation, soutient Sandrine Ruiz. Cela permet de garder le lien avec le fait religieux, mais sans lui donner une consistance trop forte qui pourrait devenir conflictuelle. […] Par la mise en critique, l’école apporte une connaissance autour de la religion plus que sur la religion. » Une connaissance à laquelle l’offre « Vous avez dit musulman·e ? » propose d’amener les jeunes autrement : à travers la découverte d’un espace, la réflexion individuelle et collective et le jeu.