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19.02.2024

Table ronde "Vers des Églises inclusives?" - Compte rendu

Le samedi 28 octobre 2023 se tenait à la Maison internationale des associations à Genève une Table ronde organisée par « Dialogue en Route », médiée par Yanncy Fanti, guide au sein du projet, dont l’objectif principal était de discuter de l’inclusion des personnes LGBT+ au sein des Églises protestantes.

Les trois intervenant·e·x·s étaient Nicole Rochat, de l’association « Arc en ciel » à Neuchâtel, thérapeute de couple, pasteure et sexologue ; Erin Lederrey, présidente de l’antenne LGBTI Genève et aumônière militaire et Andrea Coduri, animateurice au sein de l’Église évangélique reformée du canton de Vaud (EERV) pour le groupe Église inclusive et du groupe de parole « À bras ouverts » et formateurice pour pasteur·e·x·s et diacres.

La discussion fut dirigée par trois thèmes principaux : le climat institutionnel des Églises protestantes quant à l’inclusion des personnes LGBT+, les défis auxquels sont confronté·e·x·s les personnes LGBT+ dans ces mêmes Églises et enfin, quelques réflexions sur la théologie queer.

Les intervenant·e·x·s ont mis en évidence un certain avancement quant aux questions d’inclusivité queer au sein de l’institution de l’Église protestante. Andrea a par exemple réussi à mettre en place, pour le personnel de l’Église, une formation obligatoire portant sur les droits des personnes LGBT+. Nicole a aussi souligné une réelle ouverture de l’Église catholique romaine puisqu’aujourd’hui ont lieu en ses murs des cérémonies inclusives. Andrea et Nicole ont ensuite évoqué l’importance du contexte législatif : en Suisse, les discriminations se basant sur l’orientation sexuelle étant interdites depuis 2020 et la votation pour le mariage pour tou·te·x·s ayant été acceptée en 2021 ont probablement contribué à cette avancée. Toutefois, comme le rappelle Erin, il reste un travail conséquent à faire afin de contrer une certaine inertie présente dans les Églises. Les trois participant·e·x·s sont donc unanimes au sujet de l’importance du dialogue ; il est absolument nécessaire pour elleux d’aller à la rencontre des personnes méfiantes et les rassurer : les personnes queer sont présentes pour faire avec l’Église et non contre.

Au sujet des défis auxquels les personnes queer sont confrontées, Erin commence par mettre en avant la foi très vive qu’il faut pour les individus quittant leur communauté religieuse car néfaste pour elleux : ces personnes doivent faire le deuil de cette communauté qu’elles quittent, mais aussi des pratiques qui s’y tenaient. Et pourtant, elles vont quand même revenir vers une autre forme de christianisme. De son coté, Nicole a partagé son rôle de pasteure et sexologue, soulignant l’importance de concilier ces deux domaines. Elle a notamment travaillé sur des initiatives visant à aider les gens à se réconcilier avec leur sexualité et à la vivre pleinement, en travaillant entre autres sur les blocages liés à la théologie. Enfin, Andrea a rappelé qu’il n’existe pas de recette magique pour favoriser l’inclusion des personnes LGBT+. Iel prône donc le contact humain, la communication et le choix des bon·ne·x·s allié·e·x·s comme éléments essentiels de progression dans cette voie.

L’échange s’est terminé par des réflexions au sujet de la théologie queer. Erin et Andrea ont rappelé qu’il existe tout un corpus de théologies différentes et que la théologie dite « classique » est une manière d’interpréter les textes bibliques parmi d’autres, personne ne détenant la vérité de ce que Dieu a voulu exprimer. La théologie queer part du point de vue des marges, c’est-à-dire des personnes qui se disent elles-mêmes queer. Il existe un certain nombre de récits bibliques que les personnes LGBT+ peuvent s’approprier. Nicole est d’ailleurs revenue sur l’importance d’oser approcher et faire sienne la Bible : c’est ce qui fait de la parole de Dieu une parole vivante. La théologie queer aurait aussi comme mérite de libérer la religion chrétienne d’un carcan normatif dans lequel elle aurait été enfermée.

Enfin, la rencontre prit fin par un moment dédié aux questions du public. Ont été abordées les questions de la posture à aborder avec les personnes désapprobatrices de ces évolutions au sein de l’Église (faut-il, par exemple, nécessairement leur laisser une place ?) et les risques de poussées réactionnaires dans le milieu. Synthétiquement, les réponses pointent vers la nécessité du travail sur le terrain, au contact avec ces personnes, tout en protégeant au mieux celleux dont les vies peuvent être menacées lorsqu’elles se heurtent à de l’homophobie ou de la transphobie.

En conclusion, nos intervenant·e·x·s ont pu mettre en avant une réelle progression des mœurs au sein de l’Église protestante. Les personnes LGBT+ se heurtent cependant toujours à des résistances au sein de l’institution. Comme c’est le cas pour de nombreux types de discriminations, la rencontre et le dialogue sont des outils fondamentaux pour lutter contre la malveillance et l’intolérance. Nicole, Erin et Andrea ont aussi rappelé qu’il n’existe pas une théologie unique et qu’il est essentiel que la communauté queer protestante s’approprie elle aussi le message de Dieu.