14.10.2018

Une fête sous le signe de la famille

Les recettes d’un Nouvel An Chinois

Le Nouvel An Chinois est une fête qui concerne des signes astrologiques représentant des animaux dont l’ordre d’apparition, d’année en année, peut être difficile à retenir. Cependant, pour moi, un signe qui ne trompe pas, c’est que cette fête revêt un sens profondément familial. Cette fête me vient de mes parents, qui eux-mêmes ont reçu cette célébration de leurs propres parents chinois, même s’ils vivaient au Cambodge. Le Nouvel An Chinois connaît certaines variations, selon quel pays asiatique qui le célèbre, mais ma façon de le fêter a toujours été la même.

Le Nouvel An Chinois, chez moi, ce sont des couleurs, des odeurs et de la douceur. Le jour du Nouvel An, même s’il n’est pas obligatoire, ma famille a pris l’habitude de s’habiller en rouge. Le rouge porte bonheur, comme mes parents aiment à nous le répéter, à mon frère, mes sœurs et moi. Puis au fil de la journée, la maison s’emplit de délicieuses odeurs. Tôt le matin, ma mère prépare tous les plats. En grandissant, mes sœurs et moi avons aussi mis les mains à la pâte. Le menu n’est jamais identique à 100% d’année en année, mais on retrouve d’incontournables plats – frits, cuits, bouillis, rôtis, tout se prépare avec diligence.

Depuis toute petite, l’image de ma mère s’affairant aux fourneaux m’accompagne : cette journée étant particulière, elle ne quitte presque pas la cuisine. Petite, je ne pensais qu’au plaisir de manger ces plats. En grandissant, j’ai appris à plus apprécier le privilège de les cuisiner aux côtés de ma mère qui me transmet ainsi sa façon de fêter le Nouvel An Chinois entre deux coups de baguette, tout en saisissant avec davantage d’acuité l’importance que revêtent ces nombreuses préparations au sein de cette célébration.  

 

Une table pour se réunir et des prières pour communiquer des vivants aux morts

Quand les plats tout chauds sont prêts à sortir des fourneaux, mon père dresse la table sur laquelle sont déposées deux bougies allumées. Puis la valse des plats débute : un panier de fruits dans un coin, le poulet d’un côté et le canard de l’autre, les légumes dans leurs bols, les beignets sur leurs assiettes – tout est disposé avec grand soin, avec le couvercle de la cocotte de riz entrouvert. À travers toute cette disposition, il s’agit d’accueillir les ancêtres morts dans notre foyer : ils sont de cette façon cordialement invités à partager le repas avec nous, les vivants.

Cette communication passe également par des prières intérieures et silencieuses. D’abord, on prie agenouillé et les mains jointes, devant la table, puis devant les bols de fruits disposés au sol, toujours entourés de bougies allumées. Un bol est placé non loin de la table, il s’agit de prier la terre, tandis qu’un second se trouve vers le balcon – parfois, il était disposé dehors, directement au balcon – où il s’agit de prier le ciel. Mes parents prient en chinois. Mon frère, mes sœurs et moi, nous prions en français. Mais qu’importe la langue dans laquelle nous prions, ces prières nous rattachent à nos origines, à nos ancêtres et aux grands-parents que nous, les enfants, n’avons pas pu connaître et auxquels mes parents rendent hommage en allumant de l’encens.

 

Le souhait d’une bonne fortune : être en famille

À la suite des prières, mes parents soulèvent un à un les plats, afin de s’assurer que les ancêtres aient pu se servir. Puis on s’assied autour de la table pour manger tous ensemble. Car au cœur de Nouvel An Chinois se trouve la réunion familiale. C’est ce sens de la réunion, de l’amour familial, auquel je suis particulièrement attachée qui m’a toujours profondément touchée. Cette fête permet de raviver les liens familiaux et, par la réunion, d’apprécier la chance d’être ensemble. C’est un moment doux où vivants et morts peuvent se retrouver. Le Nouvel An Chinois représente ainsi la douceur d’être en famille ; c’est en tout cas le sens profond que j’en garde.

Après le repas, mes parents nous donnent une pochette rouge et dorée, dans laquelle ils ont placé des billets d’argent. De l’argent, certes, mais il n’y a pas valeur monétaire à mon avis, dans cet échange. Cette « transmission » est leur façon de nous souhaiter – à nous, leurs enfants, qui représentons la génération future – une bonne « fortune » dans notre avenir. Ainsi, mes parents placent leurs espérances et leurs bons vœux à l’intérieur de cette pochette, nous incitant à ne pas les décevoir, ni à nous décevoir.

Au final, le Nouvel An Chinois est pour moi beaucoup de nourritures, des prières qui réunissent des familles et une pochette rouge et dorée, qui souhaite un avenir heureux ensemble.