
19.05.2025
Sankran : Renaître à la pleine lune, le nouvel an bouddhique
Imaginez recevoir une invitation spéciale de Bhante Dhammika, moine du Centre Bouddhiste International de Genève, vous ouvrant les portes d'une célébration au cœur de Genève. Ce n'est pas n'importe quelle fête, c'est le Songkran, le Nouvel An bouddhique ! Loin des calendriers occidentaux, c'est pour l’Asie, à l’exception de la Chine et du Vietnam, la fin d’un cycle le 13 avril, et le début d’un renouveau le 14. C’est un moment de grande réjouissance, où les communautés se rassemblent pour honorer la paix, la purification, le pardon et l’espoir. Une célébration haute en couleur, en sons et en émotions.
Il faut savoir que la philosophie du bouddhisme repose sur l’enseignement de Bouddha, un prince nommé Siddaãrtha Gautama qui vécut au 5ème siècle avant notre ère, en Inde. Suite à la rencontre d’un mort, d’un vieillard et d’un sage, il décide de tout quitter pour partir en quête de sens, comprendre la condition humaine et sa souffrance. Après une profonde méditation il atteint l'Éveil. A partir de ce moment-là, il enseigne sa découverte à d'autres afin que chacun·e·x puisse se délivrer de son esprit et atteindre la paix intérieure.
C’est dans cet esprit de transformation que s’inscrit le Songkran. En Thaïlande, ce terme désigne la fête la plus attendue de l’année. On verse de l’eau pour symboliser la purification du corps, de l’esprit et des malheurs passés. On honore les aînés, on se pardonne, et on fait place à une nouvelle énergie, promesse de prospérité.
Les festivités se tenaient à l'école de Cointrin, qui, pour l’occasion, était décorée de petits drapeaux de tous les pays bouddhistes. De grandes poêles remplies de mets thaïlandais étaient en préparation, avec des stands proposant de la nourriture et recueillant des donations. J’étais émerveillée par les couleurs délicates des plats. Des billets d’argent étaient accrochés à un merveilleux parapluie doré ouvert, d’où pendaient des fils avec des petites pinces. Partout, des personnes vêtues de « chut thai », des tenues traditionnelles thaïlandaises de milles couleurs s’empressaient avec des plateaux fleuris. Curieuse de ce qui m’entourait, je ne pouvais m’empêcher de me questionner pour mieux comprendre ce qui se passait. Dans la grande salle trônaient les moniales et les moines touxtes drapé·e·x·s en orange, couleur symbolisant l’impermanence de toute chose.
La célébration a débuté solennellement avec des mantras et des prières récité·e·s par les moniales et moines. Ces chants avaient pour but d'instaurer la paix et la tranquillité intérieure en chacun·e·x. Je commençais à me détendre, les mantras répétitifs me berçaient et je me délectais dans un calme intérieur profond. S’ensuivit l'offrande du riz blanc aux moniales et moines : chacun·e·x prenait un petit bol et le présentait à une moniale ou un moine en signe de profond respect. Les moniales et moines partageaient ensuite ce riz entre elles·eux et avec la statue du Bouddha. Quelle sensation particulière et hors du commun de partager du riz avec une personne et avec une statue ! Mais un sentiment de communion avec mon prochain m’emplit malgré tout. Une fois que les moniales et moines avaient mangé, ce fut notre tour de partager la nourriture apportée par touxtes, un acte de bienveillance collective visant à renforcer notre unité. Et quel régal ! Les odeurs légèrement piquantes se rapprochaient de moi et quel pur délice ce fut pour moi de manger ces plats authentiques.
L'après-midi s’est poursuivi avec une démonstration de Tai Chi, un enchaînement de mouvements lents favorisant le travail de l'énergie Chi. Je me demandais si moi aussi j’aurais pu tenir sur un seul pied, le souffle calme, l’esprit ancré, dans la lenteur d’un mouvement habité. Puis, des danseur·euse·x·s orné·e·x·s de parures nous ont offert des danses traditionnelles thaïlandaises. J’étais si émerveillée que j’ai décidé de m’asseoir en tailleur devant avec les enfants, aux premières loges. Quel émerveillement de voir les pétales de roses qui volaient au-dessus de ma tête.
A la suite de ces danses et musiques est arrivé le moment du versement de l'eau fleurie sur le corps d'une grande statue blanche du Bouddha. Ses yeux semblaient nous observer avec bienveillance et sévérité. Troublé par le regard puissant de la statue, je ne savais pas si je pouvais la regarder dans les yeux. Puis s’ensuit le rituel de purification. Nous étions aspergé·e·x·s, parfois même littéralement trempé·e·x·s, par des brins de bois trempés dans un seau d'eau qu’un moine secouait au-dessus de nous. Je n’en revenais pas de la douche que je venais de recevoir, j’étais stupéfaite et amusée. Le moine utilisait également ces brins pour tambouriner la tête des personnes. Avant de partir, nous pouvions recevoir un bracelet rituel, noué par une moniale ou un moine, comme un souhait de protection et de bonheur pour la nouvelle année. Je me suis empressée vers Bhante Dhammika pour recevoir mon bracelet, le saluer et repartir de merveilleux souvenirs. Je ne pouvais m’empêcher de sourire de joie.
Au final, assister au Songkran a été pour moi une expérience surprenante et profondément enrichissante. Au-delà de l'aspect festif, j'ai découvert une célébration empreinte de sérénité, de partage authentique autour des mets colorés, parfumés et de moments ritualisés puissants qui m’ont profondément émerveillée. Cette immersion a laissé une marque durable en moi, un doux sentiment de paix mais surtout de merveilleux souvenirs qui vont au-delà d'un simple événement.
Image : © Jasmine Ucciardi, « Dialogue en Route »